25 mars, rencontre avec Jean Paul Delahaye: l’école n’est pas faite pour les pauvres
0Avec le pacte du pouvoir de vivre, la ligue de l’enseignement de l’Isere reçoit Jean Paul Delahaye pour une rencontre autour de son dernier livre : l’école n’est pas faite pour les pauvres.
Ce que la pauvreté fait à l’école. Ce que l’école fait de la pauvreté.
2015 : travail présenté à Najat Vallaud Belkhacem sur la grande pauvreté dans l’école. Part de son expérience personnelle. Il est arrivé dans un lycée d’Abeville où les élèves étaient de la grande bourgeoisie.
Ferdinand Buisson : injustice lycée est payant jusqu’en 1930, quelques boursiers.
On parle de gens dont on parle peu. Dans nos écoles, collèges et lycées personnels n’ont pas une grande connaissance des enfants qui viennent de milieu populaire car personnels ne viennent pas de ce milieu.
Traitement soit par la méconnaissance soit par la catégorisation : enfants en difficultés, qui n’ont pas les connaissances pour réussir. Mise en place de dispositifs.
ETRE UN ENFANT DE MILIEU POPUPAIRE N’EST PAS UN HANDICAP. C’EST NOTRE MISSION.
60 % et moins du revenu médiant : on est pauvre avec 1000 euros : 9 Millions en 2018. Environ 3 Millions d’élèves, un élève sur 5.
Grande pauvreté : 5.3 Millions, 1.6 Millions de jeunes 12 % de la population scolaire. Cela augmente avec la croissance de la précarité, plus crise sanitaire (+ un million avec la crise).
Venir à l’école avec un manque permanent d’argent. Dépendance des prestations sociales, juste redistribution de l’argent. Précarité des conditions de logement : comment faire ses devoirs dans conditions insalubres, dans logement peu chauffé. Expérience personnelle : importance de l’internat.
Pb pour l’habillement : carton à l’école avec des habits. Des difficultés pour se nourrir (demande de certificat de scolarité, pour demande au restau du coeur.) Médecins de l’EN parlent de cas de maigreur due à la sous-alimentation.
Des difficultés pour se faire soigner, particulièrement en zone rurale. Dentiste.
Difficulté pour payer la coopérative, pour payer les fournitures. Normalement ce sont les communes, cela dépend des communes : rapport de 1 à 10 dans l’argent mis à disposition pour les écoles selon les communes. Pb des sorties scolaires. Certaines écoles, collèges, lycées n’organisent plus de sorties pour ne pas humilier les enfants.
UNICEF fait des rapports réguliers. 6-18 se sentent plus en insécurité, moins associés à la société.
L’école seule ne va pas résoudre les pb. Marge de manœuvre est réduite si le reste de la société ne va pas dans le même sens.
Ce n’est pas l’école qui aggrave les inégalités. 80 % d’une classe d’âge au bac. Système s’est démocratisé. Pb : ce sont les jeunes qui quittent sans formation : 10 % actuellement. Politique menée quels que soient les gouvernements. Augmentation du nombre des diplômés de l’enseignement supérieur.
PISA 2018 : compréhension de l’écrit à 15 ans. France : résultat un petit peu supérieur à la moyenne de l’OCDE (avec Autriche, Suisse, Danemark). En France la moyenne ne veut rien dire car où sont les ado de 15 ans ? Certains sont en 2de ou 1ère générale : très bons résultats, 50 % (issus des classes moyennes ou ++). 25 % sont en 3ème dans moyenne de l’OCDE. Résultats satisfaisants pour 75 % des ado. Elèves de la voie prof ont les résultats les plus mauvais de l’OCDE. France : pays où l’origine sociale pèse le plus sur les résultats scolaires. Système éducatif qui a été réalisé pour trier et retirer l’élite.
3 bacs généraux, bac historique.
1965 De Gaulle a estimé que le bac général ne suffisait pas, création du bac technologique. 1970 arrivent les premiers bacheliers technologiques. Cela a permis d’augmenter le nombre de bacheliers, mais ce n’est pas bon pour les enfants de milieux populaires, ce sont eux que l’on va trouver dans ce bac. 1985 : création du bac pro. Aujourd’hui 21 % : bonne nouvelle pour le monde du travail. En Alsace les Allemands sont venus chercher ces bacheliers.
75 % des enfants d’ouvriers passent un bac pro ou technologique.
Massification mais les inégalités se sont déployées.
Au collège on a les élèves qui correspondent aux catégories socio-professionnelles. 80 % de CSP – dans les Segpa. En France on assiste à une disparition des enfants de pauvres au fur et à mesure qu’on s’élève dans les études.
Que faire ?
Est-ce qu’on met l’argent nécessaire ? On dépense de plus en plus. MAIS l’effort en matière d’éducation se mesure à la part du PIB. A partir de 1995 on a une baisse continue de l’effort de la nation pour son éducation. (6,6%) Il manque 26 Millions pour l’éducation (ce qui a été donné pour le CICE).
Chute du salaire des enseignants : 1980 début de carrière : 2.3 fois le Smic, aujourd’hui 1.2 du Smic. Bien être des enseignants a un effet bénéfique sur les résultats des élèves. Si on les paie mal difficulté à avoir des enseignants et de bons enseignants.
Ce que pourrait faire l’école : aide sanitaire et sociale n’est pas à la hauteur des besoins : postes et crédits.
Le montant des bourses reste insuffisant. Bourse maxi 450 euros/an.
Non recours aux droits : numérisation des dossiers de bourse rend les demandes plus difficiles !
Fonds sociaux ne sont pas suffisants. Division des fonds sociaux de 2002 à 2012, de nouveau en 2020. En 2022 encore 17 % de moins qu’en 2017.
Question des devoirs : externalisation chez les parents d’un certain nombre de taches. Ex : la classe inversée.
Enquête de l’UNICEF : 7 enfants sur 10 peuvent se cultiver chez eux avec des livres, ou magasines. Et les autres ? 24 % des enfants n’ont pas accès à un outil numérique.
Mise en place de l’accompagnement éducatif : 18 euros / an / enfant
Etudiants de classe prépa : accompagnement pour préparer les concours : 843/an/jeune
Une partie de la population a capté une partie des sous pour la scolarité à son profit. Plus accompagnement auprès d’officines privées, déductibles des impôts : 300 Millions d’euros.
QUI SONT LES ASSISTES ?
Education prioritaire : on met plus de postes. Mais enseignants jeunes, souvent des non titulaires. On paie moins.
Thomas Piketti : un enfant coutera 30000 euros en bac pro : 3 ans, un enfant de section générale, jusqu’au Master : 90000 euros.
Est-ce que l’argent de l’EN va là où on en a le plus besoin pour réduire les inégalités ?
Nous dépensons moins que les autres pays (8%) pour l’école primaire. Au lycée on met 35 % de plus.
Absence de mixité sociale. Ségrégation sociale dans étab. 12 % des collégiens qui fréquentent collèges où il n’y a que des enfants pauvres. A l’intérieur de l’établissement 25 % de séparatisme social avec classes de niveau (avec section euro…).
Enseignement privé financé par la puissance publique.
Dans systèmes éducatifs où il y a de la mixité sociale les enfants pauvres tirent profit sans que cela nuise aux enfants plus favorisés. Quelle société voulons-nous créer ?
Politiques qui n’ont jamais rencontré d’enfants pauvres dans leur scolarité.
Question : Pédagogie : CLEPT avec des expérimentations pédagogiques qui n’existent plus avec le label EN.
J-P.Delahaye : Dédoublement des classes de CP et CE1 mais sans formation pour une autre pédagogie.
Faire partager à tous les enseignants et à l’ensemble de la société l’idée que tous les enfants sont capables d’apprendre.
Travail sur le socle commun : se réinterroger sur quel savoir il est important de transmettre. On a conservé les matières qui servent pour partir dans l’enseignement général. Avant 1975 il y avait des travaux manuels qui permettaient d’entrer dans les maths par ce travail…
Pratiques pédagogiques fondées sur la coopération plus que sur la compétition. Pratiques pédagogiques fondées sur l’explicitation.
« On passe notre temps à évaluer les élèves pour savoir s’ils ne seraient pas mieux ailleurs » Philippe Mérieu
Il faut des évaluations qui encouragent les élèves plutôt que de les décourager.
En France quand on se trompe c’est une faute (jugement moral), et non une erreur.
Question : dans académie de Grenoble (CTA) projet de rajouter des CSP – dans étab où CSP ++, risque de mettre les boursiers méritants qui seront retirés des étab avec CSP —
J-P.Delahaye : On ne peut pas dupliquer sans formation une expérience qui a marché. A Toulouse, 5 ans de préparation pour travailler à plus de mixité sociale. Mettre l’ensemble de l’offre scolaire dans l’ensemble des étab. Nous ne savons pas tirer profit des expérimentations.
Question : en toute petite section enfants qui ne sont jamais allés à l’école ont déjà beaucoup de différences.
J-P. Delahaye : il faut prendre le temps de ne pas transformer cette différence en difficulté. Programmes de l’école maternelle ont été réécrits, programmes qui font déjà de la sélection. Effectifs de classes maternelles sont très élevés.