Tribune. Pour l’heure, le gouvernement n’est pas au rendez-vous du progrès écologique et social. Certes, le plan de relance offre de nombreux outils pour tenir bon au plus fort de la tourmente : aides à l’embauche des jeunes, maintien du chômage partiel, renfort d’investissements dans les mobilités durables ou la rénovation des bâtiments. Mais une boîte à outils sans horizon commun ne suffit pas à (re)construire une France plus durable, plus résiliente, plus à l’écoute d’elle-même.

Surtout quand la confiance des citoyens dans le bien-fondé de l’action publique continue de s’étioler. Une confiance qui est minée depuis longtemps déjà par les inégalités sociales et territoriales grandissantes et par des promesses trop souvent non tenues. Pour rebondir, notre démocratie doit pouvoir s’appuyer sur une ambition forte, partagée et un cap clair qui réponde effectivement aux besoins sociaux et écologiques.

 

Dans ce contexte, la parole donnée à la Convention citoyenne pour le climat n’est pas une petite chose. Exercice citoyen inédit et vivifiant, il a mis sur la table 149 propositions pour concilier justice sociale et réduction de notre impact environnemental. 146 ont été retenues en juin par le président de la République. Alors qu’elles auraient dû servir de boussole dans la tempête, elles subissent depuis, pour nombre d’entre elles, un travail de sape.

A lire aussiLes citoyens de la convention climat demandent à Macron d’agir

Ces propositions amorcent pourtant un chemin pour tenir une autre promesse, celle faite aux Françaises et Français d’un «monde d’après», par-delà la crise sanitaire, un monde plus solidaire, plus durable. L’absence de contreparties écologiques, sociales et participatives au soutien massif au tissu économique dit malheureusement tout le contraire. Comme pris de doute, le gouvernement préfère laisser chaque entreprise, chaque filière, à la merci du temps court et des logiques financières. Et ainsi les laisser investir dans des énergies, des biens et des usages qui ensemble accroîtront les dommages environnementaux, économiques et sociaux de demain.

Repenser l’ambition du plan de relance

Car oui nous traversons une grave crise économique. Oui, des centaines de milliers d’emplois, des territoires entiers sont en jeu. N’en doutez pas, l’engagement de nos organisations auprès des femmes et des hommes de notre pays est total. Mais dans un tel contexte il faut impérativement ouvrir grand les yeux et offrir aux salariés, aux sous-traitants, aux citoyens, aux contribuables, la possibilité de se projeter et d’investir pour un avenir qui ne nie pas les risques majeurs que constituent l’inaction écologique, l’accroissement des inégalités et la défiance démocratique.

Voilà pourquoi nous appelons le gouvernement à repenser l’ambition du plan de relance. En échange de la baisse massive des impôts de production, nous appelons à la mise en place d’obligations environnementales nouvelles pour les moyennes et grandes entreprises françaises. Elles sont au nombre de trois : évaluation du bilan carbone complet, construction d’une trajectoire de réduction de l’impact environnemental basé sur les objectifs de l’accord de Paris à partir des recommandations du haut conseil pour le climat, et mise en place d’un plan d’investissement dédié. Leur non-respect ferait l’objet d’une série de sanctions.

A lire aussi «Monde d’après» : par où on commence ?

A ceux qui y verraient une contrainte faite aux entreprises, nous voyons un soutien aux plus vertueuses qui souffrent de la concurrence des moins volontaires. A ceux qui y voient un poids, nous voyons des moyens de préparer l’avenir avec lucidité. Voilà pourquoi ces nouvelles obligations doivent aller de pair avec une nouvelle étape dans le dialogue social. Partout nous demandons l’information obligatoire et le droit d’alerte pour les salariés. Dans les plus grandes entreprises, nous demandons enfin la représentation renforcée des salariés – à plus de 40% des voix – dans les conseils d’administration comme cela se fait dans les économies européennes les plus avancées. Car oui, le climat comme l’emploi sont notre responsabilité à toutes et tous.

Toutes et tous justement. Le «monde d’après» ne devait laisser personne de côté. Et pourtant rien, ou si peu, dans le plan de relance ne concerne les plus fragiles d’entre nous, ces 5 à 10% de la population, qui, déjà en situation de pauvreté avant la crise sanitaire, ont, depuis, vu se multiplier les embûches. Sans compter tous ceux qui du fait de la situation économique basculent ou vont basculer dans la précarité. Aujourd’hui, c’est une large partie de la population – à commencer par notre jeunesse – qui est en grand danger de précarisation à long terme, puisque chacun a compris qu’il faut maintenant penser le Covid sur le temps long.

 

Pour une revalorisation immédiate du RSA

Deux ans que le «plan pauvreté» porté par le gouvernement attend d’être concrétisé, mais finit peu à peu par s’étioler, et cela, malgré les fortes ambitions affichées par le président de la République lors de son lancement. S’il veut tenir sa parole, le gouvernement doit investir dans le bien-être social. C’est une question de dignité et de cohésion sociale, mais aussi de respect des valeurs qui fondent notre pays. L’octroi d’un «chèque relance» à hauteur de 500 euros pour les ménages modestes permettrait une aide immédiate pour les dépenses alimentaires et du quotidien.

A lire aussiAides face à la crise du Covid : des contreparties ? Pour les pauvres, oui !

Mais surtout cette ambition passe par une revalorisation immédiate et significative du dernier rempart contre la grande pauvreté – le RSA – et l’élargissement de son accès aux 18 à 25 ans. Par la revalorisation des aides personnalisées au logement (APL) et la création sans attendre pour le parc privé d’un fonds national d’aide au paiement des loyers et des charges pour éviter une augmentation massive des expulsions locatives dans les prochains mois.

Enfin, il est impératif de favoriser l’intégration des étrangers présents sur notre territoire en augmentant l’octroi de titres de séjour aux personnes et familles qui ne demandent qu’à pouvoir prendre leur indépendance en matière d’accès à l’emploi et au logement. Les derniers de cordée, qui ont pour beaucoup «tenu la corde» pendant le confinement, ont aussi le droit de vivre dignement dans cette France d’après.

Pour sortir de la crise, le gouvernement doit être au rendez-vous écologique, social et démocratique attendu par nos concitoyens. Au rendez-vous du Pouvoir de vivre. Au rendez-vous de la capacité de toutes et tous d’agir sur leur propre vie et, par là même, sur la destinée du pays. Nos 60 organisations – environnementales, de solidarité et d’éducation, mutuelles et syndicats – qui portent la voix de millions de citoyens, sont unies et engagées pour porter cette ambition. C’est pourquoi nous mobiliserons partout sur le territoire nos réseaux pour interpeller les élus et, au niveau national, demandons une rencontre au Premier ministre pour échanger sur les réorientations indispensables du Plan de relance et du futur projet loi de finance de la nation.